Exposition Craig
CRAIG ET LA MARIONNETTE
Nous rencontrons facilement le nom d’Edward Gordon Craig dans les ouvrages de référence sur la marionnette : ici, le croquis d’une figure inanimée de la main du maître ; là, une citation brocardant le jeu émotif de l’acteur au profit de la constance inébranlable de l‘effigie…
Craig s’est profondément intéressé à la marionnette – le fonds du Département des arts du spectacle de la Bnf le montre bien – mais il a fait plus : il s’est inspiré de son potentiel pour imaginer un théâtre de l’avenir. L’attirance d’un des grands initiateurs du théâtre moderne pour leur art flatte les marionnettistes. Néanmoins, alors que les conceptions de Craig rencontrent de façon flagrante l’essence même de la créativité contemporaine en marionnettes, ses travaux ne restent qu’effleurés, aujourd’hui encore, dans la réflexion sur les «formes animées».
Le texte de Kleist, Sur le théâtre de marionnettes, plus ancien et plus philosophique, est beaucoup mieux étudié en France que les œuvres de Craig ; il est réédité depuis plus longtemps, mis en scène, commenté…
Rien de très étonnant, a priori, lorsqu’on voit qu’au printemps 2005, la revue québécoise L’Annuaire théâtral déclarait : L’héritage artistique et intellectuel laissé par Edward Gordon Craig de même que l’histoire de ses réalisations, de ses projets, de son influence constituent autant de domaines dont le sondage n’est qu’à peine commencé.
Cependant, dans le théâtre d’acteurs, Peter Brook, Ariane Mnouchkine et Robert Wilson, qui montrent tous trois une sensibilité évidente à l’art de la marionnette – entre d’autres metteurs en scène internationalement reconnus – sont aisément repérables dans la lignée des héritiers de Craig.
Et dans le domaine qui inspira Gordon Craig ?
Bien qu’énigmatique sur certains points (Craig désirait-il réellement remplacer les acteurs par des marionnettes ? Pourquoi y a-t-il apparemment renoncé par la suite ?) le « rêve » artistique de Craig mériterait d’être enfin confronté avec précision à la pratique de ceux qui ont, depuis la deuxième moitié du XXe siècle, gagné une place totalement nouvelle sur la scène théâtrale : les marionnettistes.
Convergences fondamentales ?
Dépassement d’une conception historique par le perpétuel mouvement d’un art vivant ?
Ce sont les deux pistes de questionnements et de réponses que se propose d’explorer une exposition innovante sur les rapports de la création marionnettique de ces dernières décennies avec la pensée de Gordon Craig.
Un aller et un retour traversés par le temps et la société.
Un jeu de miroirs où se répondront en ricochet certaines mises en forme du monde.
Evelyne Lecucq