Morceaux choisis des Etats Généraux de la Marionnette
7 Août 2008Pour voir les textes dans leur ensemble, cliquez sur les noms. Les textes des autres intervenants seront disponibles prochainement.
George Banu
Combien de lettrés n’ont-ils pas défendu “ le théâtre dans un fauteuil ” ? Le théâtre qui émerge à partir des textes comme une fleur de lotus à partir des eaux qui la font s’épanouir. Une pièce, un fauteuil – voilà les préalables d’une représentation qui ne décevra jamais, avouaient tous ces sceptiques de la scène. Quant à moi, ce n’est pas le livre qui éveille le désir de théâtre, mais la marionnette. Elle se charge de ces pouvoirs imaginaires qui permettent au reclus temporaire que, parfois, je suis de se projeter dans un spectacle inattendu, spectacle futur, spectacle dont elle est la source première. La marionnette est le contraire de “ la madeleine ”, elle renvoie non pas à un passé, mais à un futur. Futur incertain, mais futur possible.
Christophe Blandin Estournet
Les arts du récit interpellent nos fragilités, voire nos incapacités à « se parler », à se rencontrer par le verbe. De même, les arts du cirque illustrent la crise d’un certain nombre de nos valeurs communes : la main tendue, l’être ensemble, la vérité du 360°…
Et la marionnette sous toutes ses déclinaisons (objets, ombres, figurines…) nous offre une réelle capacité de respiration, une humanité redevenue possible. Elle nous autorise l’imperfection: une projection marionnettique, comme une résistance sensible aux images sans cesse assénées de la perfection arrêtée. Car comme le dit Michel Serres dans ses réflexions sur le sport : l’important c’est la défaite, celle qui nous confronte à notre propre finitude. Curieux paradoxe d’un monde prétendument en mouvement, mais que l’on nous (im)pose comme fini, au risque de la dérive fascisante de l’uniformité.
Patrick Boutigny
J’ai moi-même écrit dans le Hors Série de MANIP sur l’Enquête Nationale qu’« une première lecture des chiffres nous faisait dire : « on ne prête qu’aux riches ». On sait que la vraie richesse, celle qui compte, est la richesse de l’artistique ».
Cette richesse-là est d’autant plus importante que les arts de la marionnette ont un sens particulier dans la mémoire collective des spectateurs. A travers des souvenirs, des anecdotes, la marionnette interpelle toujours un souvenir, et ce, chez n’importe quel spectateur.
C’est en ce sens aussi que la marionnette est un art populaire.
Mais si l’on parle d’art populaire, comment faire pour ne pas à avoir à traîner encore entre guillemets le mot marionnette et l’affirmer haut et clair ?
Et si, comme le disait Alain Blanchard, « le bicentenaire de Guignol révélait peut-être 200 ans de malentendus ? »
Il y a donc encore une fracture esthétique entre ce que représente la marionnette dans la mémoire collective – et encore dans l’esprit de certains programmateurs – et une génération de créateurs travaillant avec des esthétiques contemporaines sur la base d’un art protéiforme.
Emmanuelle Ebel
Voici un des premiers manifestes sur la marionnette se revendiquant comme tel. Ce texte un peu fantasque est intitulé manifeste et est daté du 19 janvier 1989.
Manifeste de la marionnette chaotique
Article premier : toute marionnette digne de ce nom est anti-célébrative. Une marionnette adulte signifie une marionnette anti-classique, anti-moderne, anti-formelle, anti-école, anti-industrielle, anti-populiste, anti-idéologique, anti-officielle, anti-symboliste, anti-technique, anti-mode, anti-design.
[…]Les mentions en tant que caractéristiques des termes : « anti-industrielle » et « anti-design » sont révélatrices de cette volonté. Il ne s’agit pas de se fondre dans les autres pratiques mais de trouver les caractéristiques d’une posture proprement marionnettique. Même si la marionnette, comme art protéiforme, a été beaucoup utilisé comme art associé à un autre art, l’affirmation de ce manifeste s’entend au sens d’un refus d’inféodation de la marionnette à un autre art ou un autre domaine. C’est un des enjeux de ce combat l’avènement d’une « marionnette majeure », c’est-à-dire non dépendante, non restreinte à une unique voie possible d’évolution, et responsable.
Cécil Guitart
Le territoire (lieu culturel dynamique), qu’il ne faut pas confondre avec le terroir (lieu naturel statique), reste pour la population la condition de la vie sociale. Sans ce lieu de proximité, il ne peut y avoir véritablement de lien social ou de lien culturel. C’est de cette proximité que l’on pourra sortir des cloisonnements institutionnels et de la balkanisation artistique dérivée des politiques centralisées. C’est à partir de ce nouveau territoire et de ce nouvel espace – temps (de préférence choisi, plutôt que subi), que l’on pourra sortir :
– d’un système culturel construit pour des gens cultivés : le tiers – cultivé !
– d’un système éducatif fait pour des gens instruits : le tiers – instruit
– pour entrer dans un nouveau tiers qui intègre : le tiers – exclu !
Ce Tiers exclu, c’est le Tiers – Etat… Et c’est dans ce Tiers – Etat, que le Monde de la Marionnette a choisi de tenir son rang !
Claire Heggen
Je voudrais simplement dire, qu’à la croisée du corps et de l’objet, à cet endroit même de rencontre où une transversalité peut s’opérer, j’ai constaté que de nouvelles pistes se sont ouvertes pour l’acteur, l’objet, le spectateur, le dramaturge et plus largement pour le jeu des relations sociales.
L’objet m’est apparue comme une chance pour le corps de prendre conscience de ce qui le contraint et l’affecte. Il lui permet de développer de nouvelles capacités de perception et de sortir des chemins battus du mouvement usuel, du corps unique et de ses chemins corporels habituels. Il favorise de nouveaux modes de relation avec le public. Il lui offre d’apparaître comme lieu de résistance à sa disparition dans le lieu même de l’effacement (surtout en cette époque de disparition des corps qu’ils soient réels ou virtuels) et de manifester contre sa dématérialisation.
Jacques Nichet
Vous avez toujours défendu la cause de la marionnette et aujourd’hui plus que jamais, vous appelez au renforcement de votre mouvement artistique. Vous avez raison, il faut continuer à faire reconnaitre davantage encore l’art majeur que vous faites vivre, un art en échappée libre, un art protéiforme qui ne cesse de se réinventer.
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